Rapide et local: comment les politiques de confinement ont-elles influencé la propagation et la gravité du COVID-19?

Par Jean-Philippe Bonardi, Quentin Gallea, Dimitrija Kalanoski et Rafael Lalive

Le 11 janvier 2020, la Chine a signalé le premier décès dû au COVID-19, celui d’un homme de 61 ans qui avait visité un marché de fruits de mer à Wuhan, une ville de la province de Hubei, en Chine centrale. Vers mi-mai 2020, quelques mois plus tard, près de 300 000 décès ont été enregistrés dans le monde. Les effets de COVID-19 sur la santé et l’économie ont été sans précédent. Cet article étudie comment les réponses des gouvernements du monde entier à cette crise ont eu un impact sur le développement de la pandémie mondiale.

Plus précisément, nous analysons si les mesures de confinement ont permis d’atténuer l’augmentation des infections et de réduire la mortalité, quel type de mesure de confinement fonctionne le mieux et quelle a été l’efficacité des mesures de confinement dans les pays en développement par rapport aux pays développés. Nos données couvrent 184 pays du 31 décembre 2019 au 4 mai 2020, et contiennent des informations sur le jour où les mesures de confinement ont été prises, ainsi que sur les cas confirmés et les décès.

Les questions d’endogénéité constituent des obstacles majeurs à l’évaluation des effets causaux de ces interventions non pharmaceutiques sur la propagation d’une maladie. Il faut notamment s’attaquer aux biais des variables omises, à la causalité inverse et aux erreurs de mesure afin d’avoir une chance d’établir des relations de cause à effet. Nous le faisons ici en exploitant la structure de panel de notre ensemble de données. Cet ensemble de données, en effet, avec sa large portée internationale, nous permet de contrôler les effets fixes par pays et les effets fixes par jour. En outre, nous contrôlons également l’évolution de la maladie à l’intérieur du pays, soit en utilisant un résultat décalé, soit en contrôlant le nombre de jours écoulés depuis que le premier cas a été signalé dans le pays.

Nous obtenons plusieurs résultats importants :

1. Les confinements sont globalement efficaces pour freiner la propagation de la maladie et pour réduire le nombre de décès (après environ 30 jours). Mais le plus dur n’est pas le mieux : les confinements partiels sont aussi efficaces que les confinements plus stricts, mais à un coût moindre.

2. Sur la base de la tendance de nos données, nous estimons qu’environ 650 000 décès ont été évités grâce aux mesures de confinement dans le monde.

3. Cependant, cet effet provient principalement des pays développés. Nous ne constatons aucun impact positif des mesures de confinement dans les pays en développement.

4. Ce sont les mesures internes aux pays qui ont compté : la fermeture des frontières n’a eu pratiquement aucun effet.

5. Il y a une prime de vitesse dans le sens où les pays qui ont agi plus tôt ont été plus rapides à « aplatir la courbe ».

Si des mesures extrêmes ont été prises par les pays en réponse à l’urgence, il y a des leçons claires à tirer de cette première grande pandémie des temps modernes. Les structures organisationnelles et les processus décisionnels qui favorisent des réponses rapides et des confinements ciblés devraient être prioritaires. Pour des raisons similaires, ces caractéristiques seraient utiles au cas où nous entrerions dans une phase de « confinement – libération – confinement », une situation qui ne peut être exclue au début du mois de mai 2020 avec la prévalence apparemment faible des infections dans les différents pays. Une mise en garde évidente de notre étude est que l’efficacité à long terme des mesures de confinement ne sera connue que lorsqu’elles auront été levées et que nous aurons eu le temps d’observer si la pandémie reste contenue ou non (Bonardi et al, 2020). Si nous avons raison de dire que l’un des principaux résultats des mesures de confinement interne est qu’elles ont modifié les comportements quotidiens des individus, il y a encore de l’espoir.

Références

Bonardi, J.P., Bris, A., Brülhart, M., Danthine, J.P., Jondeau, E.,Rohner, D., Thoenig, M. 2020. The case for reopening the economies by sector. Harvard Business Review, May 19th, 2020.

Ce document a été publié sous forme de pré-impression dans Covid Economics, avec la référence suivante :

Bonardi, J.P., Gallea, Q., Kalanoski, D., Lalive, R. 2020. Fast and local: How did lockdown policies affect the spread and severity of the Covid-19? Covid Economics – Vetted and Real Time paper, Issue 23, May 28: 325- 351.

La version originale de cet article est disponible en ligne.

Jean-Philippe Bonardi est Professeur ordinaire à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne.
Quentin Gallea est doctorant à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne.
Dimitrija Kalanoski est Senior Researcher – SNSF (Swiss National Science Foundation) rattaché à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne.
Rafael Lalive est Professeur ordinaire à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne.


Les auteurs de cet article font partie de « E4S » (Enterprise for Society).

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